La forêt comestible (aussi appelée jardin-forêt, forêt-jardin ou forêt nourricière) répond à beaucoup d’enjeux actuels. Ce concept de production alimentaire permet le retour de l’arbre dans notre quotidien, l’essor de la biodiversité et de la vie du sol, tout en étant résilient par rapport aux aléas climatiques et en garantissant une belle diversité dans l’assiette. Mais tout le monde n’a pas un grand terrain pour se lancer… Alors, pourquoi ne pas investir et valoriser l’espace public disponible?

En plus de participer à l’autonomie alimentaire de votre commune, un tel projet permettra de construire des liens forts entre les habitants et les différents acteurs de la ville. D’échanger les savoir-faire et de transmettre les connaissances en matière de plantation, production et transformation alimentaire. Et pourquoi pas, de participer à l’émergence d’un nouveau modèle économique local basé sur les circuits courts d’approvisionnement.

Étape 1 : identifier les espaces vacants

Peut-être avez-vous déjà identifié le terrain communal de vos rêves. Si ce n’est pas encore fait, faites le tour de tous les espaces vacants de la ville. Pour chacun, quelles sont les forces et les faiblesses? Par exemple :

  • y a-t-il un point d’eau à proximité pour garantir l’arrosage des jeunes plants?
  • le lieu est-il accessible ou excentré? quels sont les acteurs présents à proximité qui pourraient participer au projet et assurer une présence régulière sur le lieu? (ex : écoles, maisons de retraites, centres sociaux, etc.)
  • est-ce loin de chez vous? (le plus près est le mieux)
  • quel est le niveau d’ensoleillement, l’état du sol?

Étape 2 : fédérer un noyau de volontaires

Peut-être que cette idée a émergé au fond de vous et que pour le moment, tout seul, vous ne vous sentez pas à la hauteur de la tâche. Pourtant, il existe sûrement d’autres personnes intéressées dans le quartier! Alors, comment les dénicher?

Vous pourriez utiliser les réseaux sociaux, par exemple en créant un groupe “Autonomie alimentaire” ou “jardin-forêt” suivi du nom de votre ville, sur Facebook. C’est un moyen très efficace pour attirer et rencontrer du monde localement. Il existe déjà bons nombres de groupes régionaux, départementaux ou communaux de ce type sur les réseaux sociaux que lesquels vous pourriez vous appuyer, qui ont été initiés suite au mouvement des incroyables comestibles et de Autonomie Alimentaire 2020 porté par l’université francophone de l’autonomie alimentaire.

Exemple : Il y a quelques mois, j’ai créé le groupe Facebook “Autonomie Alimentaire Lot”, car je ne connaissais encore personne localement intéressé par cette problématique. J’y ai posté quelques unes de mes actions en rapport avec le sujet, je suis allée visiter des jardins associatifs dans le coin et j’ai posté le compte-rendu de mes découvertes sur le groupe. Très vite, le mot est passé, et le groupe a rapidement compté une centaine de personnes. à partir de là, il est facile d’organiser une rencontre et de proposer votre idée de forêt comestible publique au reste du groupe.

Une fois que vous aurez formé votre noyau de personnes intéressées pour porter ce projet, vous aurez plus de poids obtenir l’autorisation d’occuper le terrain communal.

Étape 3 : faire connaître le projet aux futures parties prenantes

Vous avez identifié un terrain et formé un noyau de volontaires motivés. À présent, il s’agit de faire connaître cette initiative dans la communauté et d’obtenir des soutiens. Peut-être dans le quartier y a-t-il un ou plusieurs établissements scolaires qui seraient intéressés pour participer au projet. Des centres sociaux. Des restaurants. Des maisons de retraites dont les pensionnaires s’ennuient, etc.

La participation et l’implication d’une diversité de parties prenantes est essentielle à la réussite du projet. C’est à ce moment-là que vous pouvez approcher la mairie (à qui appartient probablement le terrain convoité) pour “tâter le terrain” et voir si le projet est possible. Plus vous montrerez qu’il y a du monde intéressé par ce projet, moins la municipalité aura peur de s’engager.

Dans certains cas, la mairie vous demandera de vous déclarer en association, afin de pouvoir préparer une convention autorisant l’utilisation de ce terrain.

Exemple d’un chantier de plantation à Beacon Food Forest (Seattle, États-Unis). Chaque mois, une centaine de personnes participent à la “Work Party” : la participation est exceptionnelle!

Étape 4 : monter un dossier pour demander le terrain et faire état des ressources nécessaires

Pour porter votre projet, vous aurez certainement besoin de monter un dossier contenant les points suivants :

  • Le nom de votre association ou organisme
  • Un design approximatif
  • Un budget prévisionnel pour ce projet
  • Un agenda de mise œuvre
  • Les moyens humains permettant de garantir une forte participation sociale

Actuellement, la plupart des mairies ont des services dédiés à la transition écologique, l’agriculture urbaine et la participation citoyenne. Il y a de fortes chances pour que votre proposition s’inscrive dans ces axes de travail et qu’elle soit donc bien reçue. La maire pourra peut-être même débloquer une enveloppe budgétaire pour la mise en œuvre.

Pour établir le budget prévisionnel, il vous faut évaluer les objectifs du projet. S’il est situé dans un endroit central de la ville et très visible, il faudra certainement qu’il soit très esthétique, et donc le budget sera plus élevé pour acheter des jeunes plants déjà grands, soigner les bordures, la signalétique, etc. S’il est plus éloigné des regards et d’avantage propice à l’expérimentation, vous pourrez démarrer avec moins de ressources financières : à partir de semis direct par exemple, ce qui demande moins d’entretien et beaucoup moins de frais pour acheter des jeunes plants, et en utilisant des matériaux de récupération pour la signalétique, les bordures, la récupération d’eau de pluie, etc.

Dans tous les cas, vous avez intérêt à établir le design du projet et le choix des plantes de façon participative, en étant à l’écoute des besoins esthétiques, pédagogiques ou socio-économiques du projet.

Vous pourriez aussi faire une demande de financement auprès de la région, qui propose régulièrement des appels à projet en faveur de l’alimentation durable ou de l’éducation à l’environnement ; auprès du ministère de la transition écologique ou de l’agriculture, ou auprès de fonds privés (banques, fondations de France).

Exemple : Li Juan, une habitante de la ville de Tianjin en Chine, était très motivée pour porter un projet de forêt comestible publique. En tant que citadine, elle n’avait au départ aucune compétence en permaculture, et aucun contact qualifié sur le sujet. Elle a soulevé des montagnes pour convaincre une délégation de la mairie d’arrondissement de faire un voyage professionnel à la découverte des forêts publiques de Taïwan. Elle a approché des pépiniéristes, botanistes, paysagistes et universitaire pour travailler sur un design esthétique, pédagogique et fonctionnel. Un budget de 20 000€ a été finalement débloqué par la ville pour la mise en œuvre du projet. Enfin, elle a instauré des chantiers participatifs hebdomadaires pour fédérer les habitants et faire émerger des volontaires.

Étape 5 : Mettre en œuvre sous forme de chantiers participatifs ou d’ateliers pédagogiques

Félicitations! Vous connaissez maintenant plein de gens de motivés, avez au passage fait de nouvelles rencontres très intéressantes, et vous avez obtenu l’autorisation de la mise en œuvre. Il n’y a plus qu’à planter, transmettre les bonnes pratiques de façon ludique et amusante pour intéresser le plus grand nombre!

Vous pourriez établir un planning s’étalant sur plusieurs semaines / mois pour découper toutes les étapes de la mise en œuvre. à chaque étape, n’hésitez pas à organiser un chantier participatif. Cela attirera de nouvelles personnes dans le projet, et la mise en œuvre sera bien plus facile si de nouvelles compétences diverses apparaissent. De plus, des volontaires désireux d’apprendre mais n’ayant pas d’expérience seront certainement heureux de mettre les mains dans la terre.

Voici le type d’ateliers pouvant être mis en œuvre :

  • semis, bouture, multiplication des plantes
  • compost, engrais liquides, EM
  • fabrication de sol nourricier
  • construction des chemins et des bordures
  • ateliers artistiques pour la signalétique, les étiquettes de plantes
  • cueillette, transformation des aliments
  • confection d’huiles essentielles, de cosmétiques naturels

Conclusion

Aujourd’hui, on assiste à une éclosion accélérée des projets de forêts comestibles publiques, un peu partout en France et dans le monde : depuis Beacon Food Forest à Seattle aux États-Unis créé en 2010, jusqu’à Taipei, Budapest, Cologne, Amsterdam, Tianjin, Châlon-sur-saone, Chenôve, Sainte-Eulalie, Cluny, Cahors et plein d’autres. Cela répond à un besoin, une envie et un idéal de créer une société juste et basée sur l’abondance.

En France, de plus en plus de communes, d’associations, d’écoles, de particuliers et même d’agents d’espaces verts se lancent dans cette aventure. Quelle que soit votre position dans la communauté, la stratégie reste la même : expérimenter, partager, fédérer. Le changement, ça commence par soi.

Chacun de nous est un starter du changement. Et lorsque nous travaillons ensemble au service une cause, que nous faisons appel aux multiples compétences, intérêts et sensibilités présents dans la communauté, nous atteignons le but sans effort, de façon ludique et amusante. C’est ce que nous montre les processus de fermentation, dans lesquels les bactéries et différents microbes utiles fonctionnent en symbiose pour sublimer les aliments. Dans le cas de la forêt comestible publique, nous sublimons le territoire!

Mon témoignage sur mon expérience dans les jardins-forêts urbains à Taïwan

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