En Juin 2019, après avoir étudié les micro-organismes efficaces à Okinawa, je fais escale dans la province de Tokushima dans le cadre du projet “Low Tech Lab – Nomade des Mers” pour visiter Kamikatsu, un village de 1500 habitants célèbre pour avoir réussi sa transition vers le zéro déchet. Nous irons rencontrer ses habitants pour découvrir les secrets de cette réussite !

Kamikatsu, un petit village perdu dans les montagnes

Nous restons 4 nuits à l’hôtel Tsukigatani Onsen réputé pour ses bains chauds naturels et ses chambres faites de tatamis et futons traditionnels où nous pouvons nous imprégner de l’atmosphère pittoresque de ce village montagneux. Le village est très étalé sur une 15aine de km dans la montagne, il n’y a pas de centre-ville proprement dit et les maisons sont très éparses, ce qui rend les déplacements compliqués si l’on n’a pas de voiture. Heureusement, il y a un bus local qui passe toutes les 1 ou 2 heures !

Kamikatsu, ,village zéro déchet très paisible

Au centre de tri, les déchets sont séparés en 45 catégories

Nous commençons la visite par le centre de tri du village, où nous sommes reçus par Atsuko Watanabe qui travaille ici quelques jours par semaine. Les déchets sont séparés en 45 catégories ! Et les habitants du village amènent eux-mêmes les déchets au centre de tri, il n’y a pas de système de collecte systématique. On trie : différents types de bouteilles en verre, différents types de bouchon, différents types de cannettes, différents types d’emballage aluminium, les briquets, les brosses à dent, les rouleaux de PQ, les bris de verre, etc.

Sur chaque bac, il y a un encadré rouge ou vert contenant un prix au kg. Si c’est rouge, cela signifie que la municipalité doit payer pour se débarrasser du déchet. Si c’est vert, cela signifie que le déchet rapporte de l’argent, c’est le cas de l’aluminium ou du carton par exemple.

Nous essayons la presse à cannettes. Nous mettons une grande quantité de cannettes en aluminium dans la machine, et 30 secondes après, nous obtenons une brique facile à transporter et qui permet d’économiser de la place.

Une pièce du centre de tri est dédiée aux objets qui peuvent être réutilisés, comme des habits, des assiettes, de la porcelaine, etc. Chacun peut y entrer librement et récupérer gratuitement les objets qui l’intéresse.

La quasi-totalité des déchets ont une filière de recyclage dans la région. C’est pour cela qu’on qualifie Kamikatsu de village zéro déchet : il n’y a pas de déchets ultimes partant en incinérateur ou en décharge. « Village zéro déchet » ne signifie pas que les habitants ne produisent pas de déchets, simplement qu’ils les trient et recyclent à la perfection ! Atsuko nous confie que même si le tri est une habitude bien ancrée à présent, la quantité de déchets produite par les habitants ne tend pas à diminuer.

Atsuko observe ce que les gens du village jettent, elle cela donne des indices sur leur personnalité ! Par exemple certaines personnes qui semblent paresseuses lavent en fait soigneusement leurs emballages avant de les apporter au centre de tri, et d’autres sont beaucoup plus négligentes. Et certains sont des bons vivants, comme Atsuko dont les déchets sont surtout constitués de bouteilles de bière ou de saké !

Le centre de tri de Kamikatsu, village zéro déchet
Au centre de tri, les déchets sont séparés en 45 catégories!

Le café Polestar

Le lendemain, nous nous rendons au café Polestar, le restaurant zéro déchet tenu par Terumi. Le repas est fin et délicieux, préparé à partir d’ingrédients locaux et de saison. Dans le restaurant, point d’emballage plastique, tous les couverts et contenants sont réutilisables.

Dans le village, on utilise un système de 6 logos représentatifs de l’esprit zero déchet, et le café Polestar en compte 5 :

  • « Local Food » : on évite les produits suremballés en s’approvisionnant auprès des producteurs locaux
  • « Returnable » : on réutilise toujours les mêmes emballages / sacs / cartons en faisant ses achats
  • « Idea » : on fait preuve de créativité pour éviter l’usage des produits jetables
  • « Open for action » : on encourage les clients à participer aux actions zéro déchet
  • « Bring Your Own » : on encourage les clients à amener leurs propres contenants et couverts
  • « Local Reuse » : on privilégie la réutilisation des ressources locales
Le café Polestar à Kamikatsu, village zéro déchet

Une “zéro waste map” pour se repérer dans le village

La « zero waste map » permet aux visiteurs de se repérer à Kamikatsu, le village zéro déchet. Ainsi, des touristes venus des quatre coins du monde viennent visiter Kamikatsu, un village pourtant peu connu perdu dans la montagne.

Carte de Kamikatsu, village zéro déchet
La carte zéro déchet témoigne du potentiel touristique de Kamikatsu

La zéro waste Academy

Dans cette jolie maison boisée en face du centre de tri, on recueille les kimonos et yukatas usagés déposés par les gens qui délaissent de plus en plus les tenues traditionnelles au profil des vêtements occidentaux, plus faciles à porter.

Une équipe de couturières et d’artistes locaux transforment ces kimonos en nouveaux habits, sacs, jouets, portefeuilles, nœuds pour les cheveux, etc. Les objets sont ensuite vendus aux visiteurs, qui peuvent aussi s’essayer eux-mêmes au métier du tissage lors des ateliers prévus à cet effet.

Zéro Waste Academy à Kamikatsu
à la Zéro Waste Academy, on donne une seconde vie aux vieux kimonos : vestes, sacs, porte-monnaie.

La brasserie

La brasserie du village a été construite à partir du bois recyclé issu de l’usine à bois avoisinante. Les fenêtres du bâtiment sont très impressionnantes ! La bière produite porte un nom qui représente l’esprit du village : « Kamikatsu zéro déchet ». L’intérieur du bâtiment fait la part belle au concept du zéro déchet : vente en vrac, utilisation de contenants en verre, vente de brosses à dent en bois… On regrettera tout de même que le processus de fabrication de la bière elle-même ne s’inscrive pas dans une démarche d’économie circulaire avec utilisation d’ingrédients locaux !

Brasserie de Kamikatsu, village zéro déchet
La brasserie du village a été construite avec des matériaux de récupération de l’usine à bois.

À Kamikatsu, la démarche zero déchet apporte plusieurs valeurs ajoutées sur le plan économique : cela augmente l’attrait du village aux yeux des touristes et des médias qui viennent y apprendre les bases. Cela permet aussi de monter des nouvelles filières de recyclage locale et de créer de l’emploi, comme à la zéro waste academy. Les restaurants utilisent des produits locaux pour réduire les emballages, ce qui créée une économie circulaire à l’échelle de la ville.

Le minimalisme, une démarche vraiment zéro déchet?

Nous venons de voir avec l’exemple de Kamikatsu que même si les habitants sont bien devenus conscients de la nécessité de trier et recycler les déchets, cela ne modifie pas leur comportement en termes de réduction des déchets, puisque la quantité qu’ils produisent est restée la même. Pour clôturer le voyage, nous nous rendons dans la banlieue de Tokyo chez Naoki Numahata, un des chefs de fil du mouvement minimaliste japonais.

Dans la maison de Naoki, il n’y a rien, en tout cas rien d’apparent : une table et trois chaises dans la salle à manger, un canapé et une télé dans le séjour, un lit et une armoire dans la chambre à coucher. Dans la cuisine, quelques ustensiles de bases sont bien rangés dans les tiroirs et rien n’est visible à l’extérieur. La totalité des effets personnels de Naoki sont rangés dans une petite étagère. Tous ce qui peut être numérisé (photos, souvenirs, documents) est archivé dans des disques durs, et il n’a que très peu d’habits, bien choisis pour leur côté pratique.

En fait, Naoki n’achète jamais rien. Avant de faire un achat, il se demande plusieurs fois : « ai-je vraiment besoin de cet objet » ? Et pour se débarrasser de ses objets inutiles, il a fallu qu’il apprenne l’art de jeter, qui n’est pas évident ! À présent, puisque Naoki ne passe pas beaucoup de temps dans les magasins et que le ménage de sa maison se fait très rapidement, il consacre plus de temps pour des activités qui lui font plaisir : jouer avec sa fille, aller camper avec sa famille. Son esprit est aussi clair que l’est son intérieur.

La démarche de Naoki n’a jamais été motivée par une conscience écologique, plutôt personnelle et spirituelle. Pourtant, sa démarche s’avère particulièrement performante sur le plan environnemental et zéro déchet !

Chez Naoki dans la banlieu de Tokyo
La maison du minimaliste Naoki est presque vide!

2 thoughts on “Kamikatsu, le village japonais zéro déchet

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