En milieu urbain, trouver un sol riche et vivant pour planter une forêt comestible ou simplement un potager peut être un gros défi. Voici mon retour d’expérience pour créer un sol nourricier à partir des déchets organiques de la ville. C’est une méthode imaginée par l’université francophone de l’autonomie alimentaire. Elle est ludique, facile à réaliser dans le cadre d’un atelier de groupe et permet d’obtenir des résultats rapides.
Le problème : les sols urbains sont en mauvaise santé
Par exemple, à Taïwan, l’un de nos terrains d’expérimentation pour les projets de forêts comestibles publiques était une pelouse régulièrement rasée, très compactée par le passage des promeneurs et des tondeuses. Pire, le sol était rempli de gravats et de cailloux car des vieilles maisons avaient été démolies sur place il y a quelques années.
En réalisant une analyse, nous avons mis en évidence que le sol manquait de matière organique. Une simple observation permettait de voir qu’il y avait peu de vie : pas de lombrics, bactéries, protozoaires, collemboles ou autre micro-organismes responsables de la fertilité du sol. Il nous fallait donc créer les conditions idéales pour que la vie revienne.
Une solution ludique et gratuite : créer un sol nourricier à partir des déchets de la ville
Plusieurs solutions permettent de faire revenir de la vie dans le sol : planter des engrais verts, utiliser des poules, recouvrir le sol de biomasse, etc. Ici, nous avons choisi l’option de fabriquer un sol “épais” constitué de déchets organiques que l’on trouve largement dans une ville. Ils contiennent tous les nutriments dont les plantes ont besoin et les vers vont se régaler. Comme le carton, les épluchures de fruits et légumes, les feuilles mortes, les branches en décomposition, les tontes de gazon.
Les avantages sont nombreux. On réduit la part de déchets organiques produits dans la ville et qui ne sont pas toujours valorisés en compost, biogaz ou autre. On utilise une ressource gratuite et très accessible. N’est-ce pas facile de trouver du carton, des épluchures, du marc de café, des feuilles mortes? N’est-ce pas plus économique que d’acheter un sac de terreau au supermarché? Il s’agit aussi d’une méthode à très fort rendement. Une expérience réalisée sur un terrain de tennis en France a montré qu’on pouvait y récolter 100 kg de légumes en seulement 3 mois. On utilise de la ressource gratuite pour faire pousser de la nourriture à moindre frais!
Des exemples AVANT / APRÈS
La clé de la réussite : alterner les couches “carbone” et “azote”
D’un côté, les épluchures et les tontes de gazon représentent les matériaux “azotés”. Ce qui est vert, frais, et humide sert de nourriture aux micro-organismes. C’est leur source d’énergie.
De l’autre, le carton, les feuilles mortes, les branches mortes en décomposition représentent les matériaux “carbonés”. Ce qui est brun et sec permet d’aérer le milieu, de le structurer.
On cherche un équilibre “carbone/azote”, comme quand on fait du compost. S’il y a trop d’azote, il n’y a pas d’air, les bactéries anaérobies se développent et les mauvaises odeurs aussi. Si en revanche il y a trop de carbone, le processus de décomposition est trop lent, les micro-organismes n’ont pas assez de nourriture. On alternera donc les couches “carbone” et les couches “azote”.
Mettre en pratique lors d’un atelier pédagogique
Dans une forêt comestible publique, on reçoit beaucoup de visiteurs et de groupes voulant faire des activités. Créer du sol à partir de déchets constitue un excellent atelier pédagogique. Chacun peut se rendre utile, s’amuser, mais sans trop se fatiguer car l’effort est collectif. En moins de 2h, nous pourrons réutiliser plus de 200 kg de déchets pour créer une surface de 3m² de sol nourricier!
1/ Collecter les matériaux
Il nous faut collecter des matériaux “carbone” (comme le carton, le bois mort, les feuilles mortes), et des matériaux “azote” (comme les tontes de gazon, les épluchures, les feuilles vertes, le marc de café, etc). Demandez aux participants de ramener le carton et les épluchures qu’ils ont chez eux. Vous pouvez aussi collecter des dizaines de kg d’épluchures et de carton dans des magasins de fruits et légumes, ou bien dans les marchés.
Concernant les tontes de gazon, feuilles mortes et bois morts, vous devriez pouvoir les collecter pendant l’atelier, à proximité. Il est bien de prévoir un peu de compost pour la couche où les graines seront mises à germer. À Hsinchu, nous le récupérions gratuitement auprès de la mairie.
Nous voulons aussi collecter des matériaux permettant de matérialiser la bordure de notre sol nourricier. S’il y a des pierres ou du bois mort dans le voisinage, cela fera l’affaire. Dans la ville Taïwanaise de Hsinchu, nous matérialisions les bordures en recyclant les paniers en bambous du marché qui servent traditionnellement à transporter les choux.
2/ Préparer les matériaux
L’atelier a commencé, les participants sont réunis. Dans un premier temps, vous pouvez diviser les participants en 4 groupes.
- Le premier groupe en charge de collecter les matériaux tels que feuilles mortes, tontes de gazon, branches en décomposition.
- Le deuxième groupe en charge de retirer le scotch et le plastique des cartons et de les imbiber d’eau. Et éventuellement de découper les épluchures en plus petits morceaux.
- Le troisième groupe en charge de matérialiser la bordure du sol nourricier, avec un matériaux disponible à proximité (pierres, briques, bois mort, vieux paniers en bambous…). Ce groupe pourra aussi nettoyer la surface et décompacter le sol, voire le creuser légèrement et réserver cette terre pour la surface de notre sol épais.
- Le quatrième groupe en charge de préparer le plan de plantation. De quelle graines ou plants dispose-t-on? Quelles sont les plantes compagnons? Où est le nord, le sud, d’où vient le vent? Ce groupe pourra ensuite expliquer à tous les autres le plan de plantation.
3/ Superposer les matériaux
Tous les matériaux sont prêts, il n’y a plus qu’à les superposer. Entre chaque couche, vous n’oublierez pas d’arroser généreusement! Dans l’ordre :
- le carton (il doit être bien imbibé d’eau et percé de petits trous pour laisser des espaces aux organismes en charge de la décomposition)
- le bois mort en décomposition
- les épluchures
- les feuilles de mortes
- à nouveau des épluchures, ou des tontes de gazon
- etc selon les ressources disponibles
- une couche de compost + terre (c’est ici que l’on effectuera nos plantations)
- le paillage final (avec des tontes de gazon, de la paille de riz, des feuilles mortes, ou autre)
le carton le bois mort les épluchures le compost le paillage
4/ Planter
Posez-vous les questions suivantes pour définir le plan de plantation. De quelles graines ou plants disposez-vous? Quelles sont les plantes de saison? Qu’en est-il de l’ensoleillement? Où est le Nord?
Ce type de sol convient parfaitement à la culture de pommes de terre, car leurs racines vont faciliter la décomposition du sol. On a également eu de bons résultats avec les tomates, le maïs, les haricots, différents types de salades, du persil, mais aussi le bissap, le pois d’angole, les aubergines, etc.
Il faut éviter de planter directement des jeunes plants, car dans les premiers jours notre sol épais va dégager beaucoup de chaleur qui risque de leur être défavorable. C’est dû à la multiplication des micro-organismes qui arrivent pour décomposer les déchets.
Le groupe 4 présente le plan de plantation Les écoliers arrosent le sol nourricier
5/ L’entretien et la récolte
Et voila, c’est presque terminé! Maintenant, il faudra aller arroser de temps en temps si la pluie n’est pas au rendez-vous. Comme ce sol nourricier est composé de déchets pas encore décomposés, vous pouvez le “touiller” de temps à autre pour activer la décomposition et éviter les poches d’air.
Profitez de votre belle récolte, pensez à collecter et partager les futures graines!
Si vous voulez en savoir plus sur le potentiel pédagogique de cet atelier, n’hésitez pas à consulter la vidéo de la marelle nourricière réalisée par un groupe d’enfants à Aigues-Mortes.
Bourrache Persil Laitue Papillon vs fleur de bourrache Tomates Maïs Tomates Aïl Pommes de terre
Bravo Claire, c’est formidable de voir que c’est simple de créer du sol nourricier en zone urbaine même sur de la pelouse compactée, en associant et en motivant plusieurs personnes à le faire. Merci pour ces belles explications et photos.
Merci Sabine 🙂
Mais merci pour ce formidable partage !
Je crée moi-même des potagers en ville à Bordeaux mais je n’ai encore vraiment développé de supports pédagogiques. Et votre article est formidable !
J’ai très envie de prendre contact avec vous pour partager autour de ce sujet et pour s’entraider.