Avez-vous déjà pensé à faire votre propre fromage végétal à base de légumineuses? Soja, pois chiches, haricots blancs, pois d’Angole, pois sabre… Les légumineuses sont partout, pas chères, faciles à cultiver. Je vous propose ici de découvrir ma méthode en deux étapes!

Quelles légumineuses utiliser?

Pour le moment, j’ai testé cette méthode avec les graines de soja, de pois chiche, de haricots blancs, de pois d’Angole, et de pois sabre. Les légumineuses sont faciles à cultiver, ce sont des plantes fixatrices d’azote qui aident les autres plantes compagnons à s’enrichir en nutriments. Il y a des légumineuses annuelles, et d’autres vivaces qui donnent de magnifiques arbustes, comme le pois d’Angole en milieu tropical ou le pois de Sibérie en milieu tempéré. Prenez un instant de réflexion : quelles sont les légumineuses spécifiques à votre région? Comment se cultivent-elles?

Une méthode en 2 étapes

La méthode pour faire son fromage végétal à base de légumineuses est plus compliquée que pour faire un fromage végétal à base de graines oléagineuses comme le tournesol, les noix ou les amandes.

Dans le cas des graines oléagineuses, il suffit de les faire tremper quelques heures, de les mixer avec un liquide fermenté qui sera le “starter”, et de patienter encore quelques heures pour avoir déjà un premier résultat de fromage à tartiner.

Dans le cas des graines légumineuses, il semble qu’il faille nécessairement passer par une étape de cuisson, car elles contiennent des inhibiteurs de trypsine qui sont indigestes crues. Toutes les légumineuses en contiennent, certaines plus que d’autres (information qui me vient d’une amie Taïwanaise spécialiste dans le fabrication de tofu, je ne dispose pas de données scientifiques sur ce sujet). C’est pour cela que le lait de soja est forcément cuit après sa fabrication. Pour creuser le sujet des légumineuses, je conseille cet excellent article de Vitalité Paléo qui explique que “trempage + fermentation + association à une céréale” serait la meilleure façon de les consommer pour la santé.

Par conséquent, pour faire notre fromage végétal de légumineuses, nous allons procéder en deux grandes étapes : la première qui consiste à fabriquer du lait végétal et le cuire, et la seconde qui consiste à transformer ce lait végétal en fromage. Entre les deux il y a une étape bonus, qui consiste à transformer la pulpe (l’okara) issue de la fabrication du lait végétal en délicieux tempeh fermenté!

La recette en vidéo!

Première étape : faire du lait végétal

En premier lieu, il nous faut faire du lait végétal à partir des graines légumineuses que vous avez choisies.

Pour cela, commencez par les faire tremper dans l’eau une bonne nuit afin de les “réveiller”. Le contact de l’eau active le processus de germination, elles gonflent et démultiplient leurs nutriments. Ensuite, jetez l’eau de trempage (elle contient des inhibiteurs d’enzyme) et rincez-bien vos graines.

Pour ma part, je les mixe avec 5 fois leur volume en eau (environ) dans un robot à lame en S (mais vous pouvez aussi le faire avec un mixeur à main). Je filtre ce liquide au moyen d’une taie d’oreiller (ou d’un sac à lait végétal si vous êtes bien équipé) afin de séparer le liquide de la pulpe.

L’okara tempeh

Ce qui nous intéresse pour la fabrication du fromage, c’est le liquide. Quant à la pulpe, il s’agit de l’okara, on peut l’utiliser pour faire plein de choses, notamment du tempeh! Il s’agit d’un délicieux mets fermenté Indonésien, traditionnellement fabriqué à partir de graines de soja entières. Pour apprendre à transformer votre okara en tempeh, découvrez la méthode de Lénaïc ici. (Note : j’ai eu d’excellents résultats d’okara tempeh avec le pois chiche ou encore le soja, mais cela ne fonctionne pas dans le cas du haricot blanc, qui a une texture différente).

La cuisson du lait végétal

Pour terminer notre lait, nous devons le faire cuire. Choisissez une grande casserole profonde, car pendant la cuisson, le lait peut produire une mousse qui va déborder.

Dès le début de la cuisson, il faut remuer constamment le liquide et surtout racler le fond de la casserole pour éviter que les protéines (les molécules les plus lourdes) n’aillent se coller au fond. Si vous voyez une mousse blanche apparaître à la surface, vous pouvez la retirer car il s’agit probablement des inhibiteurs de trypsine qui gonflent au contact de la chaleur, et qui sont plutôt indigestes. En tout cas, c’est le conseil que m’a donné une amie Taïwanaise spécialiste de la fabrication de lait de soja et de tofu!

Quand la surface du liquide bout et qu’une odeur caractéristique commence à se dégager, c’est bon! Cette manœuvre nécessite environ 20-30 minutes, courage!

Laissez refroidir le liquide à température ambiante. Une peau va peut-être se former à la surface, c’est ce qu’on appelle “tofu skin”. Vous pouvez la déguster telle quelle, et aussi goûter votre lait végétal de légumineuses fait maison!

Deuxième étape : transformer le lait en fromage

Maintenant que notre lait végétal est prêt, nous allons le transformer en fromage, en le faisant fermenter, puis sécher.

1 – La fermentation

Je verse le lait dans des bocaux en verre, et dans chaque bocal, je verse 1 ou 2 cuillères à soupe d’un “starter” de fermentation. C’est-à-dire d’un liquide déjà fermenté qui va ensemencer le lait en bactéries responsables de la fermentation. J’ai toujours eu de bons résultats avec le levain de gingembre, on peut aussi utiliser du réjuvélac (le liquide de trempage de céréales ou légumineuses germées), du kéfir, ou encore du jus de légumes lactofermentés. Une expérience très intéressante : utilisez un starter différent pour chaque bocal, ainsi vous verrez s’il y a des différences de saveur ou de texture!

Je laisse le lait fermenter entre 12h et 24h selon la température ambiante. Plus il fait chaud, plus c’est rapide! À la fin, on observe la formation d’une phase solide.

2 – Le séchage

J’installe un linge sur une passoire et j’y verse mon lait fermenté. Je mets ce système au frigo pour un ou plusieurs jours, l’objectif étant de déshydrater pour obtenir une consistance plus compacte.

Lorsque la consistance ressemble à celle d’un yaourt, je mélange quelques épices. J’aime particulièrement ajouter de l’ail et du sel! Mais on pourrait aussi ajouter d’autres herbes aromatiques, du poivre, et pourquoi pas envisager une version sucrée avec du citron et du sirop d’agave.

3 – Mouler le fromage

J’utilise des moules circulaires pour mouler mon fromage, mais vous pourriez tout aussi bien récupérer des vieux pots de yaourt ou de crème fraîche dont vous perceriez des petits trous au fond pour permettre à l’eau en excès de s’échapper. Je laisse le fromage dans le moule quelques jours au frigo afin qu’il se durcisse et se déshydrate davantage.

Les pistes d’amélioration pour son fromage végétal de légumineuses

Ici, j’ai donné les principes de base de ma méthode. Mais elle est vraiment perfectible!

1. Pour l’étape de fermentation, je ne sais pas encore pourquoi certains starters marchent mieux que d’autres, comme le levain de gingembre qui paradoxalement est plutôt utilisé pour lancer des fermentations alcooliques et non des lactofermentations. D’ailleurs, le starter de fermentation est-il nécessaire? Quand on fabrique le tofu, on ne parle pas de fermentation, mais de coagulation, et je n’ai pas encore totalement saisi quel est le processus qui a lieu exactement dans cette étape de fabrication de mon fromage.

2. Je n’ai pas encore bien travaillé l’étape de l’affinage. Idéalement, après la fermentation, au lieu de conserver le fromage au frigo, je préférerais le laisser évoluer à température ambiante, enveloppé dans des feuilles d’arbre et des fines herbes par exemple! J’ai encore plein d’expérimentations à tester pour cette étape.

Alors, j’espère que cette méthode vous inspirera de nouvelles expériences culinaires et végétales, n’hésitez pas à vous l’approprier et à l’améliorer! (Et dites-moi quelles sont les légumineuses de votre région en commentaire!)

27 thoughts on “Comment faire un fromage végétal à base de légumineuses

  1. Merci pour ces expériences claires et passionnantes Claire.! Un jeu de mot rigolo. Mais gratitudes sincères. Je vai aussi tenter.

  2. Merci Claire .
    Appétissant !!! Merci pour cette vidéo très explicative . Je vais refaire l’expérience avec tes infos . C’est un grand plaisir de te suivre sur ce nouveau chemin de l alimentation .

    1. Bonjour Marie, le levain de gingembre se fabrique soi-même 🙂 Il est opérationnel en quelques jours : dans un bocal, versez du gingembre fraichement rapé et du sucre (une cuillère à soupe de chaque) et remplissez d’eau. Le lendemain, ajoutez à nouveau du gingembre rapé et du sucre. Le surlendemain pareil. Au bout de 3 ou 3 jours, vous avez votre levain de gingembre, tout pétillant qui fait un excellent starter! (c’est aussi possible de faire avec de la pomme au lieu du gingembre)

  3. Merci beaucoup pour tout ce descriptif, je suis en pleine découverte des fermentations de légumineuses et oléagineuses ^^
    Du coup la question que je me pose, quelle est la différence entre le début de la recette (avant séchage) avec le tofu soyeux, qui nécessite un acide pour coaguler (le liquide du starter étant acide)? J’ai aussi trouvé des similarités toujours entre le début de la recette et celles de “yaourt” de légumineuses (soja, pois chiche)… Je m’y perds ^^
    Merci beaucoup!

    1. Salut Chloé! Et bien en fait, il n’y a pas tellement de différence avec le tofu 😉 Dans ma recette il n’y a pas d’étage de pressage ce qui est nécessaire pour le tofu, c’est peut-être là la seule différence. C’est les variations dans la texture ou la forme obtenue qui font qu’on appelle ça fromage éventuellement. On peut aussi imaginer “affiner” ce fromage plusieurs semaines après l’étape de séchage, ce qui constitue une autre différence avec le tofu!

  4. Salut Claire,
    merci pour ces explication précieuses. Je me suis lancé dans l’aventure avec un enthousiasme un peu débordant…
    Résultat 1kg de fromage de pois chiche est entrain de sécher dans le placard (j’ai pas de frigo).
    Un prochain test avec du pois cassé est prévu dans quelques jours.

    1. Oh c’est génial, merci pour le partage Flo!!! n’hésite pas à bien envelopper d’un linge ton fromage en train de sécher, ça permettra d’absorber davantage l’humidité. Tiens moi au courant de ce que donne l’affinage au placard, et aussi du test avec pois cassé, je n’ai jamais testé encore!

  5. Je suis en cours de fabrication de ta recette, merci pour tous ces détails !
    A tester, pourquoi ne pas laisser germer les pois chiche, ainsi il n’y aurait pas besoin de cuire le jus ? Je me trompe ? La germination enleve la toxicité, et change les molécules. As-tu testé ?

    1. Hello Coralie! Effectivement j’y ai pensé, mais ce qui m’a freinée c’est effectivement le fait que la germination change les molécules, et que je pense que le lait végétal n’aurait pas la même composition, et peut-être pas la même capacité à coaguler par la suite pour faire le fromage. ça vaudrait le coup de tester vraiment pour être sur en tout cas. Si tu le fais tiens moi au courant!

  6. Bonjour !
    Je réponds à un commentaire ci-dessus. La différence avec le tofu, c’est que le tofu n’est pas fermenté : il est juste coagulé par un agent minéral (le chlorure de magnésium ou nigari) ou éventuellement végétal (acide citrique du jus de citron) ou animal (la présure) qui est inerte. Ça va faire précipiter les protéines du lait (cailler), et c’est tout. Il est inutile de laisser vieillir un tofu simple : il va juste moisir.
    Les fromages ici sont ensemencés avec un starter qui contient des micro-organismes, qui vont vivre, se multiplier, évoluer, et faire évoluer le fromage. Ces micro-organismes sont aussi en compétition avec les moisissures, et en protègent le fromage. Il est donc intéressant de laisser vieillir le fromage.

  7. Bonjour Claire, vous indiquez dans la vidéo pouvoir faire du tofu de pois chiches à partir du moment où vous avez réaliser le lait. Comment faites vous? Coaguler le lait de pois chiches au nigari ne fonctionne pas, du coup j’imagine que c’est un tofu collé par exemple à l’agar?

    1. Bonjour Salomé, de mon côté la coagulation fonctionne bien une fois le lait cuit, en ajoutant un peu de jus de citron / kéfir, éventuellement du nigari mais pas toujours. Le vois que la coagulation fonctionne quand 24 apres la séparation des phases est bien visible dans le bocal

  8. bonjour, pourriez vous m’ indiquer la contenance de vos bocaux pour avoir une idée de la proportion de starter ? merci avez vous deja essayé avec des fèves ou des lupins ( le lupin est particulièrement riche en protéines + que dans un stack et facile a cultiver) ?

  9. Merci énormément je vais vers l’autonomisation alimentaire pas à pas en plein dans une phase lait yaourt fromage maison… quel bonheur. ❤️ Votre article est top, vous nous redonnez l’autonomie alimentaire dirigée avec tous vos tests qui nous aident lorsqu’on est moins passionnée que vous mais volontaire pour faire ses propres produits maison. 🙏🌈☺️✨❤️

  10. Bonjour, je suis à la première phase pour faire du fromage. Mon lait végétal est cuit et je m’apprête à y adjoindre du liquide lacto-fermenté. Je viens de goûter la préparation cuite et je ne sais pas si elle est assez cuite . Comment puis-je le savoir ? J’ai une seconde question qui concerne la quantité de liquide lacto-fermenté. Doit-on mettre une dose proportionnelle à la quantité de préparation et combien? Merci pour votre article et votre vidéo très intéressants et détaillées.

    1. Bonjour Sylvie,
      Au niveau de la cuisson, l’odeur est un très bon indicateur pour savoir si le liquide est assez cuit (au bout de 15-20 min, l’odeur change légèrement et un arome se dégage), et il faut par ailleurs observer des signes d’ébullition à la surface du liquide.
      Concernant la quantité de starter, comptez 1 càs par litre à peu près 😉

  11. Salut, merci pour cette recette, très enthousiaste à la tester. Claire ou quelqu’un d’autre a t-il déjà essayé la fermentation à température ambiante ? Si oui, quelle était la température et le résultat final ?

    1. Salut Mathieu!
      La première phase de fermentation (au moment où le lait végétal coagule) se fait à température ambiante. Ensuite, j’ai déjà essayé l’affinage à température ambiante, dans une cave, mais il faut alors que le fromage soit bien déshydraté! j’ai déjà affiné un petit mois et ça a donné un peu comme un fromage à pate dure, avec une jolie croute.

  12. Bonjour Claire,
    Je suis très heureuse d’avoir trouvé ton article, j’ai juste une question sur le temps de fermentation, tu nous dis à la fin qu’il faut laisser fermenter plus longtemps, cela se fait à quel étape ? Est-ce qu’il faut laisser le fromage à l’air libre au frigo dans le moule ?

    1. Bonjour Angèle,
      En fait c’est surtout le séchage qui est important si on veut conserver le fromage longtemps,
      Donc il faut se débrouiller pour se débarrasser de l’humidité, soit en le pressant à travers un linge puis en le mettant au frigo dans un moule quelques jours, soit en le mettant au déshydrateur.
      Une fois que c’est suffisamment sec en apparence, on peut le laisser à température ambiante une infinité de temps, une croûte plus épaisse va se former tout autour

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